Quand on avance dans la vie, il y a des passages… Tout est là.
Il y a des pas sages. Et si les pas, eux, peuvent être sages, celui qui passe a encore et toujours bien du chemin à faire vers la sagesse, bien des voyages à vivre encore…
Tout est là, pour celui qui voyage : il est en transition.
J’ai beaucoup tourné en rond dans ma vie, et je tourne encore beaucoup en rond. Et à chaque fois que j’arrive vers une lumière, une étoile qui aurait éclairé ma nuit, j’ai déjà amorcé une courbe et je fais déjà face à la nuit.
Ainsi sont mes voyages, qui me conduisent à côtoyer de plus près la Lumière, mais m’invitent aussi à faire face à l’Obscurité, soit symboliquement en passant plusieurs fois de la Lumière à l’Ombre, soit en portant mon regard sur mes alter-égos dans lesquels je peux percevoir plus ou moins de lumière, selon mes habitudes, mes regards.
De fait, ces dernières années, mon regard sur le monde et mon rapport au monde ont évolué, et je m’exerce, au quotidien, à regarder toute noirceur comme une chose simplement moins éclairée, peut-être, mais non moins éclairante, car la vraie lumière est partout. C’est à moi de ne pas l’oublier, à moi de la percevoir.
Cette dynamique-là, entre éclairant et éclairé, éveille en moi le sentiment indéfectible de la Foi. Et un de ses symboles est, à mes yeux, l’Étoile.
Elle attire les regards, elle attire à elle, et elle flamboie, elle livre, délivre de la lumière.
Une étoile ne tient sa lumière que d’elle-même, elle ne prend rien à personne, elle se suffit à elle-même.
Quand elle flamboie, elle partage sa lumière mais le terme flamboyer porte aussi l’idée d’intermittence, comme une alternance d’intensité qui dicte un certain rythme.
Face à une telle lumière, les humains peuvent accourir et s’y perdre, tels Icare, ou bien autour d’elle tournoyer indéfiniment, aveuglément, comme des papillons de nuit autour du lampadaire.
C’est peut-être aussi pour cela que certains nomment, soulignent et mettent le focus sur le centre de l’étoile, pour nous faire aller plus loin, plus près, plus profond… au-delà du doigt du sage que regarde l’idiot.
Ne sourions pas trop vite à cette idée de l’idiot qui regarde le doigt qui indique la Lune. Le doigt, c’est la direction, le chemin, le signe, et il n’y a pas à s’interdire de le regarder. Au contraire, reconnaissons-lui cette vertu, et sachons comprendre son sens, la direction qu’il nous montre.
Le symbole de l’Étoile peut donc être présenté comme la composante de trois éléments : une étoile, son flamboiement, et son centre. Or, chacun de ces éléments est une source intarissable de mystères.
Premièrement, considérons l’Étoile.
Notre étoile première est le Soleil. Et le soleil flamboie. Et il est le Dieu Râ, pour les Égyptiens Antiques. C’est un premier symbole.
Mais dans notre culture et littérature Gréco-Judéo-Chrétienne, le terme étoile nous amène un peu plus loin.
En effet, dans l’Ancien Testament, il est souvent question des étoiles du matin. Et en fait, l’Étoile du Matin, celle que nous appelons l’Étoile du Berger, c’est Vénus.
Homère la personnifie par Éosphoros (Homère, chant XXIII, 226-2272 de L’Iliade), le porteur de l’aurore, que les Romains assimileront plus tard à Lucifer, le porteur de Lumière.
Mais Vénus est aussi, la nuit, le second astre brillant après la Lune, devenue ainsi la déesse de l’Amour chez les Romain.
Elle peut symboliser, ainsi, la transition entre la nuit et le jour ; et elle est très liée au chiffre cinq, nous allons le voir.
Il y eut ensuite l’Étoile de Bethléem qui selon l’évangéliste Matthieu (Évangile selon Matthieu, 2, 1-12) a guidé les mystérieux Mages vers Jésus nouveau-né.
Les avis sont partagés quant à savoir s’il s’agissait ou non de Vénus, éventuellement en conjonction avec une autre planète.
Jean, dans sa Révélation, que l’on nomme Apocalypse, nous parle d’une étoile, qui en devient mystérieuse.
En Apocalypse 8:10, il nous dit que « le troisième ange sonna de la trompette: et il tomba du ciel une grande étoile, brulant comme un flambeau. »
Plus loin, en 9:1, il nous dit : « Le cinquième ange sonna de la trompette: et je vis une Etoile tombée du ciel sur la terre; et la clef du puits de l’abime lui fut donnée » (Bible Darby, traduction française par JN Darby, XIXème siècle à partir des textes originaux hébreux et grecs).
Il ne s’agit, là, probablement pas de Vénus.
En revanche, l’étoile du matin est un des titres que Jean donne à son Jésus-Christ. « Je suis la racine et la postérité de David, l’étoile brillante du matin » (Jean, Apoc. 22.16).
Si l’étoile du matin est bel et bien Vénus, les « Pères de l’Église » catholique ont su nous la faire oublier, car elle est par trop un symbole féminin. Ils préférèrent y associer une certaine Vierge Marie, nommée « Étoile du Matin » dans les Litanies Lauretanae fixées en 1601 par le pape Clément VIII.
Alors pourquoi Vénus nous est-elle importante ? Je l’ai mentionné tout à l’heure : elle est liée à la transition, au rythme, au chiffre cinq.
Le pentagramme de Vénus, c’est le parcours de Vénus observé depuis la Terre (cf. Pierre Causeret, Cahier Clairaut n°148 « Vénus », p.10 , Comité de Liaison Enseignants et Astronomes, Hiver 2014).
Vénus effectue une révolution autour du Soleil en pratiquement 225 jours. C’est sa période sidérale.
Pendant ce temps, la période sidérale de la Terre est de 365 jours.
Leur mouvement combiné fait que, régulièrement, les deux planètes, Terre et Vénus, sont en conjonctions inférieures : elles sont au plus près l’une de l’autre. Cela arrive tous les 584 jours (environ 1 an et demi). C’est la période synodique de Vénus.
A chaque période synodique, nous voyons Vénus au plus près, mais à une position décalée, à chaque fois, de 144°.
Et ainsi, toutes les cinq périodes synodiques, tous les 8 ans, Vénus vient se repositionner quasiment au même endroit dans notre ciel du matin.
Si on joint les positions de Vénus à chacune des conjonctions inférieures, on obtient une étoile à 5 branches, une étoilee en pentagramme, symbolique et mystérieuse aux yeux de beaucoup.
Le chiffre cinq, le nombre cinq. On pourrait le voir partout : les 5 doigts de la main, de l’autre main, de chacun de nos pieds, les 5 orifices du visage, les 5 sens qui ne sont pas cinq en réalité, mais huit reconnus de nos jours… dont la perception de la Gravitation, le sens moral, etc.
On trouve aussi, dans le pentagramme, le nombre d’or. Je parlerai un jour de son histoire passionnante, mais il me faut avancer.
Je mentionnais tout à l’heure les trois composantes étoile / flamboiement / centre.
Alors qu’est donc ce flamboiement de l’étoile ?
Selon Jean Solis, il s’agit des « Langues de Feu, feu célestiel, énergie du pur Amour, transmis par le Christ à ses apôtres et origine de la succession apostolique ». Cela fait écho aux Actes des Apôtres, 2.2 à 2.4 : « des langues de feu leur apparurent […] et ils furent tous remplis du Saint Esprit ».
Et il ajoute : « En alchimie, elles sont le feu secret qui va porter la Pierre au rouge plusieurs fois. »
D’ailleurs, Patrick Burensteinas, dans son Heptalion, recueil initiatique en sept poèmes alchimiques (éditions Le Mercure Dauphinois, 2015), nous confie ceci à la cinquième étape, qui est – comme par hasard – celle du Soleil :
C’est un astre insolent : il est fier et radieux.
[Mais]A cet orgueil navrant, il devra dire adieu.
S’il n’est que très brillant, tu devras, en partage,
Le rendre plus éclairant ; voilà là ton ouvrage…
Mais le Rubedo m’amènerait tellement loin aujourd’hui que je remets à plus tard son approfondissement.
De toute façon, je ne veux pas brûler les étapes, justement : ne pas me laisser trop aspirer par la lumière qui flamboie.
Pour illustrer combien ce symbole de l’étoile peut nous attirer loin, au chapitre XV de son ouvrage « La Grande Triade », chapitre intitulé « Entre l’Équerre et le Compas » (éditions Gallimard Tradition, 1957-2016, p.112), René Guénon rappelle qu’« entre les deux [l’équerre et le compas], est généralement figurée l’Étoile, qui est un symbole de l’Homme, et plus précisément de l’ »Homme Régénéré », et qui complète ainsi la représentation de la Grande Triade. »
Il annote que l’« Étoile est à cinq branches, et que cinq est le nombre du « microcosme » ; cette assimilation est d’ailleurs expressément indiquée dans le cas où la figure même de l’homme est représentée dans l’étoile (la tête, les bras et les jambes s’identifiant à ses cinq branches) », c’est ce que l’on appelle le pentagramme d’Agrippa.
Quant à l’ »Homme régénéré », il ajoute que suivant un ancien rituel, l’ »Étoile est le symbole de l’Homme resplendissant de lumière au milieu des ténèbres du monde ». Il y fait là une allusion à ces paroles de l’Évangile de Saint-Jean (1,5) : « Et Lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt ». »
Tout cela est si passionnant, fascinant, et tout semble se répondre, indéfiniment, et résonner comme un écho infini.
Par exemple, dans Le Kybalion, Hermès Trismégiste délivre Sept Lois Universelles dont Les principes de vérité sont … pour plus tard…
Mais la Cinquième loi est celle Rythme.
« Tout coule, à l’intérieur et à l’extérieur, tout a sa durée, tout évolue puis dégénère ; le balancement du pendule se manifeste en tout ; la mesure de son oscillation à droite est semblable à la mesure de son oscillation à gauche ; le rythme est constant ».
Voilà donc le flamboiement de l’Étoile.
Venons-en donc à son centre.
Dans son Petit dictionnaire philosophique [1], Wladimir Onkielewitch (Jean Solis, alias Très Regrettable Frère Wladimir Onkielewitch, éditions Aureus, IVe édition, 2019.) affirme que l’Étoile est le symbole fondamental de la spiritualité. Elle possède cinq branches qui, ajoute-t-il, acide, signifient tellement de choses que personne n’est d’accord. »
« Quant à son centre, la lettre « G », rajoute-t-il, il veut dire God depuis son apparition il y a trois-cents ans en Grande Bretagne, mais par chauvinisme culturel [certains] préfèrent Géométrie, voire Guématrie. » (la Gematria est la numérologie hébraïque, l’étude kabbalistique des lettres par les nombres dans la Torah…)
Jean Solis, au-delà de ces boutades, rappelle plus sérieusement, dans son manifeste pour le christianisme ésotérique, titré « En Esprit et en Vérité » (édition Aureus, 2020) que le G est aussi celui de la Gnose, Gnosis, la connaissance, le serpent de la Génèse, courant magique néo-platonicien.
Le G est aussi celui du Saint Graal, du Gris (entre le Blanc et le Noir), et même du Guèse, la langue mère et sacrée du Christianisme, notamment de l’Église primitive d’Ethiopie qui, depuis les temps évangéliques (Actes des Apôtres, 8.25 à 8.40, et Jean Solis, « En Esprit et en Vérité », p.97), nous transmet le mythe du Prêtre-Jean…
Jean-Christophe Giesbert, dans son ouvrage « Le Langage des Oiseaux, Révélation du Secret Hermétique » (2ᵉ Édition, 2023), nous rappelle que dans l’alphabet « la lettre G vient après la lettre F, lettre du Faire, de la Force, du Feu qui sublime et dépasse la matière.
« Le G marque donc le passage à un niveau de conscience différent, liée à l’involution, c’est-à-dire à l’évolution intérieure de l’Être. Son dessin évoque d’ailleurs un retour vers l’intérieur. C’est la lettre du Graal et du Guide qui sont en nous… »
Il évoque effectivement le dessin de la lettre G qui a une histoire particulière et symbolique. C’est une des très rares lettres à avoir été littéralement inventée.
Quintilien, dans son Institution oratoire précise que selon Plutarque, c’est Spurius Carvilius Ruga (Rufa), personnage semi-légendaire de la Rome antique, qui aurait inventé la lettre G.
Alors que d’un point de vue plus historique, c’est Appius Claudius Caecus, premier écrivain latin connu par ses sentences morales, qui apposa un trait horizontal à la lettre C Étrusque, cette même lettre, la troisième de l’alphabet, venant du Gamma grec dont la graphie représente une équerre…
En musique, le dessin de la clef de sol est dérivé de la lettre G, lettre utilisée dans le monde anglosaxon pour écrire la note sol.
Certains voient dans la Majuscule du G le demi-cercle du C auquel s’adjoint une équerre : petite barre verticale s’élevant vers Dieu puis horizontale revenant vers le centre, vers le monde Humain.
D’autres y voient plus le dessin d’une spirale involutive qui part du Céleste en haut à droite, puis commence une courbe descendante jusqu’au monde Terrestre et remonte vers le monde Humain à l’intérieur.
Le G peut être aussi le Génie qui « élève aux grandes choses ».
Le mot « Génie » est mystérieusement ambigu : selon le TLFi (Trésor de la langue Française informatisé, http://www.atilf.fr/tlfi, ATILF – CNRS & Université de Lorraine, 1994), il peut désigner une divinité tout aussi bien qu’une aptitude, une faculté humaine. Le terme « Génie » a été introduit dans notre langue en 1532 par un certain Rabelais, dans soninitiatique Pantagruel. Il définit le Génie comme étant un « caractère, une tendance naturelle de l’esprit » (François Rabelais Pantagruel, VI, éd. V. L. Saulnier, pp. 33-34).
Voilà, j’ai fait le tour de ce que m’évoque l’étoile… non pas LE tour, en fait, mais UN tour… on pourrait en faire 3, 5, 7, une infinité sans tarir le sujet…
Horace, dans son Art Poétique (Épître aux Pisons, plus connue sous le nom d’Art poétique, estim. 10 av. J.C., Œuvres d’Horace, Paris, Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1934), nous affirme que Bis repetita placent, et cela est dit sans ironie aucune, parce que la répétition fait l’usage, la règle, la tradition… et ainsi se transmet la culture, pour s’imprégner de la grandeur et de la beauté de nos mythes, légendes, rêves et histoires en tous genres.
Alors considérons cette mystérieuse « Etoile », ne la perdons jamais de vue. Il ne suffit pas de voir les étoiles, mais de les considérer, les regarder avec une grande attention.
L’adjectif « mystérieuse », est performatif. Je m’explique : ne le serait-elles pas intrinsèquement, mystérieuses, que le simple fait de nous l’affirmer nous les rendent mystérieuses car nous y chercherons toujours des secrets.
Alors autant s’y faire : le symbole de l’étoile est mystérieux, et le restera toujours, parce qu’il nous invite à nous sentir en constante découverte et avancée vers des choses toujours plus grandes.
Ce peut donc aussi être un symbole de la persévérance à apporter à notre quête, un symbole comme un rappel pour le jour où on pourrait se sentir « abouti », dans nos parcours : la vue des étoiles nous rappellera à l’ordre, sera là pour nous rappeler qu’il restera toujours une part de mystère et de génie élève aux grandes choses.